Tous les samedis, dimanches et lundis, à partir du 14 janvier au 4 février
Dimanches : 15h
LundIS et samedis : 19H

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Mise en scène par Carmelo Agnello
Interprétations : Pauline Cheviller, Sébastien Depommier, Gvantsa Lobjanidze, François Marais

Sur la côte Est des États-Unis, Louis, l’indien rebelle fraîchement marié à Marthe, la française soumise, gardent la propriété du riche homme d’affaires Thomas Pollock Nageoire, et de sa femme Lechy, comédienne aux mœurs émancipées. Tensions et désirs écartèlent les membres de ce quatuor mal assorti jusqu’à les conduire à un marché provocateur : l’un propose d’acheter l’épouse de l’autre…

Cette pièce est la première version de Paul Claudel, elle est jouée dans sa version intégrale – aucune coupure n’a été effectuée dans le texte. Elle est mise en scène par un metteur d’opéras et interprétée par des anciens élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris.

La mise en scène de Carmelo Agnello est dédiée au souvenir d’Hélène et Claude Garache.

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« L’Echange » de Claudel par Carmelo Agnello : un quatuor aux subtiles modulations pour tragédiens éclatants

Théâtre Dejazet / texte de Paul Claudel / mise en scène de Carmelo Agnello

Publié le 16 janvier 2024 – N° 317

Habitué de la scène lyrique, Carmelo Agnello met en scène la première version de L’Echange, écrite par Claudel en 1894. Un quatuor pour tragédiens éclatants, en forme d’opéra symboliste.

La Marthe de Pauline Cheviller a la gravité déchirante d’une alto, face à Gvantsa Lobjanidze, qui interprète Lechy en soprano colorature. Les deux femmes s’affrontent autour de Louis Laine, à qui Sébastien Depommier offre la candeur d’un jeune premier au timbre de ténor. François Marais est en baryton pour jouer Thomas Pollock Nageoire, celui qui n’a ni l’insolence des aigus ni la force grondante des basses. Le comédien excelle à faire de ce capitaliste cynique le naïf de l’histoire, presque sympathique en son pragmatisme, face aux trois incendiaires sacrificiels qui l’entourent. Si Louis, Marthe et Lechy se consument en leur jusqu’au-boutisme, Thomas Pollock Nageoire est le seul à échapper au brasier, puisque le gain lui est aussi indifférent que la perte. L’histoire est connue : Louis Laine, sorte de huron ingénu, vit avec Marthe, sa jeune épouse française, dans la propriété de Thomas Pollock Nageoire, self made man américain, et de sa femme, l’actrice Lechy Elbernon. Entre le couple et les deux jeunes gardiens de leurs biens, se joue un échange hasardeux : Thomas Pollock Nageoire propose à Louis l’argent nécessaire pour fuir seul en lui laissant sa femme.

Comme les quatre cavités du cœur

Le brasier final qui emporte la maison de Thomas Pollock s’accompagne de l’anéantissement de toutes les spéculations. Ce qui relève de la grâce et du don ne s’obtient ni par la prière, ni par le calcul, ni par la menace : catholicisme solaire de Claudel ! Les décors de Romain Scrive et Arthur Lamon choisissent l’évocation d’un bord de mer : on est au bout du monde, avec l’océan comme seul horizon, sans les gloires lumineuses qui pourraient promettre une rédemption aux quatre malheureux. Pauline Cheviller est une Marthe sensuelle et tellurique, plus belle que ne le laisse entendre le texte, sublime et fougueuse dans son amour pour Louis Laine, que Sébastien Depommier campe habilement en Narcisse plus épris de lui-même que de celles qui se l’arrachent. Gvantsa Lobjanidze est la Lechy horripilante qu’impose son rôle, quintessence de l’actrice prisonnière de son image. François Marais ose un Thomas Pollock Nageoire distancié et presque amusant à force de flegme. Les comédiens font remarquablement sonner le texte de Claudel. Carmelo Agnello le transforme en partition aux subtiles modulations, explorant les affres du cœur humain en faisant entendre chacun de ses battements, de ses emballements et de ses crises.

Catherine Robert